Retour aujourd’hui sur l’un des plus grands exploits individuels de l’histoire de la NBA : les 81 points de Kobe Bryant, deuxième meilleur total de points de l’histoire derrière les 100 points inatteignables de Wilt Chamberlain. Le 22 Janvier 2006, il a tout fait aux Toronto Raptors, impuissants face à la performance hors du temps du black Mamba. Récit du match, avec une grande place à la parole du héros du soir.
Lakers vs Raptors : un match qui n’intéressait personne
Dans cette saison 2005-2006, Los Angeles n’est plus la grande équipe qu’elle a été, victorieuse du championnat trois fois de suite. La faute au départ de Shaquille O’neal vers Miami. Le bilan est tout juste correcte : 7ème de la conférence Ouest au moment de la confrontation (21V, 19 D). Les Raptors squattent eux les bas-fonds de la ligue depuis leur création en 2002 et cette saison débute sous le même signe (14V, 26 D). Il n’y a donc a priori rien d’excitant à propos de ce match. Certains se demandent même comment on peut payer pour aller voir ce genre d’événement.
La défense de Toronto met Kobe en confiance
Au début du match, Kobe se soucie surtout de son genou qui le fait souffrir et qu’il a passé la veille à soigner. Les Raptors commencent en zone 2-3, un système défensif assez rare en NBA. Et pour cause, il ne marche pas ! Jalen Rose la victime du soir dira d’ailleurs :“Le zone ça ne marche pas bien. Tu ne mets pas de pression sur les passes, tu ne contestes pas les shoots. Tu mets un gars en rythme”. Ce gars, ce soir là c’est Kobe : “Sur la première possession je drive et je vais au lay-up. J’ai su que ce serait une belle soirée car leurs rotations étaient extrêmement lentes. […] Puis les jumps-shoots ont commencé à tomber, j’ai commencé à me mettre en rythme et à oublier mon genou”. Mais ce n’est pas pour autant que les Lakers sont performants, aucun coéquipier de Bryant ne semblant vouloir jouer ce match sérieusement. Pas un problème : “Je sentais que si mes coéquipiers ne voulaient pas courir, je pouvais tout prendre en charge”.
A la mi-temps, l’arrière star est à 26 points. Une belle performance mais presque classique pour un joueur de sa trempe. Surtout, les Lakers sont menés de 14 points. Au vestiaire, Phil Jackson tout en simplicité et en calme, fait réagir ses joueurs en pointant du doigt la faiblesse de l’équipe adverse. Kobe acquiesce.
La seconde mi-temps, son chef-d’œuvre
Mais Kobe est en mission, plantant 27 points dans le seul 3e quart. Le coach de Toronto Sam Mitchell envoie tous ses soldats sur Kobe, avec toujours le même résultat. Il livre toute sa panoplie : 3 points, drives, feintes, fadeaways. Les Raptors ne tenteront d’ailleurs jamais de prises à deux, justifiant, et ça peut se comprendre, qu’a ce moment ils menaient et que la stratégie de laisser Kobe faire son show n’était pas si idiote. Il reste que Kobe leur impose une humiliation rare : “C’était comme si ils jouaient pour ne pas être dans les higlights” confiait l’assistant coach des Lakers.
Arrivé au 4ème quart-temps, tout le monde prend la mesure de ce qui se passe. Les joueurs, les spectateurs, les fans : tous scrutent les stats à chaque nouveau panier inscrit par la star. Seul le principal intéressé tente de rester en dehors de ça : “en tant que joueur, tu entends et ressens cette énergie, et tu dois juste surfer sur la vague sans sortir de ta concentration en appréciant le moment, parce que tu ne veux pas perdre ton rythme”. Kobe continue à martyriser les Raptors avec une adresse insolente et renverse la tendance du match en la faveur de L.A. Pour Phil Jackson, il est temps de faire souffler sa star : “Je ne faisais pas attention à ses stats. Je me suis tourné vers mon assistant Franck Hamblen en lui disant “je ferais mieux de le sortir maintenant”. Il m’a répondu : « Je ne pense pas que tu puisses. Il en est à 77 points » Je l’ai donc laissé jusqu’à ce qu’il atteigne les 80.”
Kobe “aurait dû en mettre 90”
Le héros de la soirée atteint donc les 81 points et sort dans une ambiance irréelle : “Je n’avais pas réalisé ce qui s’était passé jusqu’à ce que je sorte et entende le chiffre”. Kobe Bryant réalise l’ampleur immense de son exploit et peut l’apprécier enfin à sa juste valeur, comme tous les spectateurs présents ce soir là. Perfectionniste, Kobe nuancera presque son match “J’aurais du mettre 90 points. […] J’ai vraiment eu des shoots ouverts que j’ai raté […] Je pense que faire 100 est possible. Je le pense vraiment. Si je ne m’étais pas assis 6 minutes en première mi-temps, peut-être que j’aurais pu le faire.”
Le black Mamba s’arrêtera finalement à 81. Une performance majeure puisqu’il devient le 2ème meilleur marqueur de l’histoire après Chamberlain et ses 100 points en 1962, un autre temps. La ligne de stats est hallucinante : 81 points, 28/46 aux tirs (61%), 6 rebonds, 3 interceptions, avec un 7/13 à 3 points et un 18/20 aux lancer-francs. Ce jour de janvier 2006, on se souviendra que Kobe Bryant a réchauffé les cœurs en transformant un match banal de saison régulière en un récital encore jamais égalé dans l’ère moderne.