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Mohamed Ali: le dernier round a sonné

«Vole comme un papillon, pique comme l’abeille»

Il y a de ces légendes qui marquent leur temps et les esprits bien après. De ces hommes qui s’élèvent bien au-delà du sport dans lequel ils excellent, et dont la personnalité, l’aspect humain, brille tout autant.
Cassius Clay était de ceux là. Et probablement l’un des meilleurs. Quel athlète peut se targuer d’être aussi important ? Celui qui a mené des années de lutte intense sûr et en dehors du ring nous a quitté cette nuit, à l’âge de 74 ans, des suites d’une longue maladie qui l’aura affaibli des années durant.

LA NAISSANCE D’UN MYTHE

Né le 17 janvier 1942 à Louisville, Kentucky

, le jeune Clay grandit dans une famille modeste. Connaissant la ségrégation raciale de l’époque, il côtoie les quartiers noirs de la ville. Comme beaucoup de grands destins, tout démarre d’un petit rien. Aussi c’est à la suite d’un vol de son vélo à l’âge de ses 12 ans que Cassius décide de rallier une salle de boxe pour se forger au combat. Quelques semaines plus tard, il remporte sa première victoire. La suite, on l’a connaît: la légende fait ses débuts.
Dès les premiers balbutiements de sa carrière, le jeune boxer se caractérise par sa tendance à l’auto-proclamation, clamant haut et fort sa supériorité physique à tout épreuve. Une tendance qu’il conservera tout au long de ses années de professionnel. Ainsi il progressera jusqu’à sa formidable victoire le 15 novembre 1962 face à Archie Moore à l’issue du quatrième round. Avant le match, le natif du Kentucky avait affirmé qu’il terminerait le combat au round 4.
Cependant le véritable feu d’artifice dans la carrière de Cassius Clay se dévoile par son affrontement contre Sonny Liston. Ce dernier jugé invincible, l’opinion publique laisse bien peu de chance à Clay, si ce n’est aucune. Pourtant, contre toute probabilité, Clay domine son outsider, son jeu de jambes fabuleux faisant la différence. A tel point que Liston, blessé à une épaule, finira par abandonner. Bien que de nombreuses rumeurs de fraude quand à ce match soient ébruitées, maintenues par le match retour et le fameux «phantom punch», cet affrontement est assurément le plus important de Clay dans les années 60.
Par delà sa puissance en combat, c’est surtout son style particulier pour un boxer de la catégorie poids lourds qui le démarque. Sa vitesse, ses esquives et son jeu de jambes ont su en tromper plus d’un et lui conférer un style unique, depuis devenu grande source d’inspiration. Son excellente allonge lui a bien souvent valu un excellent jab.

Mais ce qui favorisera la popularité de Cassius Clay par delà le domaine du noble art est son appartenance à la Nation of Islam qu’il rejoint à la même époque, et son changement de nom pour devenir le fameux Mohamed Ali. En 1975, il adopte même la confession islamique.
A partir de là, Ali domine totalement la catégorie des poids lourds, et ce durant plusieurs années. Enchaînant les combats (5 au cours de l’année 66, contre les 2 annuels traditionnellement tenus pour un champion), il multiplie les KO partout dans le monde et acquiert une notoriété grandissante. Cependant, la fédération WBA n’apprécie guère les positions politiques du boxer et va même jusqu’à vouloir lui retirer sa ceinture.

UN ATHLETE POLITIQUEMENT ENGAGE

Alors que la guerre du Vietnam fait rage, Mohamed Ali refuse publiquement de participer au combat,

arguant même «Je n’ai rien contre le Vietcong, aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de nègre». Évidemment, une telle déclaration n’en finit pas d’effrayer la communauté blanche américaine, et même d’en irriter plus d’un. Ali n’hésite pas à s’élever face à la ségrégation raciale et à dénoncer le racisme qui gangrène la société. De sportive, son image se mue en quelque chose de plus politique, il atteint le statut de représentant d’une communauté noire qui perçoit en lui une liberté trop souvent étouffée. Les conséquences seront même sûrement plus lourde que le champion ne l’avait lui même prévu. Bien moins acclamé par le public, ses victoires diminuent en impact, tant et si bien que celui qu’on s’est plus à surnommer “The Greatest” disparaîtra des rings durant un peu plus de trois longues années. Ses problèmes seront même judiciaires: ses démêles avec la fédération de boxe, son refus d’être déchu de sa ceinture et incorporé lui vaudront une condamnation à 5 ans de prison et une amende d’un montant de 100 000$. Évitant l’incarcération, il sera tout de même à nouveau condamné mais cette fois-ci gracié par la Cour Suprême des États-Unis en 1970. Cette fois-ci, la légende des rings ne jouit pas d’un quotidien glorieux.

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Muhammad Ali et Malcom X

LA RECONQUETE DU TRONE

Mohamed Ali

retrouve le ring le 8 mars 1971 dans un combat qui l’oppose au nouveau champion poids lourds Joe Frazier. Mais pour la toute première fois au cours de sa carrière professionnelle, Ali s’incline au terme du quinzième round.
S’ensuit logiquement une véritable rivalité depuis lors devenue légendaire entre les deux hommes, Ali ne pardonnant pas à Joe d’avoir brisé son rêve de finir invaincu. Finalement, l’ex champion prendra sa revanche en 1974. Enfin, la reconquête du titre tant convoité se fera en Afrique, à Kinshasa précisément (République Démocratique du Congo, ex Zaïre). Au sein du Rumble in the jungle, George Foreman s’effondre. Peu après, le troisième match contre Frazier, un des plus violent que mènera Ali (qui reconnaîtra avoir connu un état proche de la mort), lui permet de remporter la victoire et son ancien statut.
C’est une période au cours de laquelle Mohamed mène une activité pugilistique extrêmement intense, son but étant de revenir à son niveau d’antan après avoir trop longtemps été écarté des rings. Il connaîtra de sérieux coups durs (au propre comme au figuré), à l’image de ce combat contre Ken Norton qui lui brise la mâchoire au cours du second round.

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LA CHUTE

Hélas, même les plus grands ne sont pas éternels. Ainsi, la fin du XXème siècle voit également la déchéance de la légende des rings. Enchaînant trop de combats, Ali épuise son physique. Les victoires sont de plus en plus serrées, on parle même de vol. Les défaites se multiplient également. Enfin, le 02 octobre 1980, il essuie une ultime défaite face à Larry Holmes, dans une sorte d’indifférence générale, le public ne reconnaissant plus vraiment l’immense champions que Clay fut.
Pire, au cours des années 1980, les symptômes de la maladie de Parkinson se déclarent. Loin des rings, il continue d’entretenir son image politique, se faisant même accueillir à la Maison Blanche. Nonobstant une popularité conservée intacte, ses apparitions publiques sont cependant moindres, entravées par ses difficultés physiques.
Ce vendredi 03 juin 2016 à Phoenix, Arizona, Mohamed Ali s’éteint des suites de sa longue maladie.

Roi sur le ring, empereur dans ses prises de positions politiques et sociales, Mohamed Ali aura su passer par delà les cordes pour s’imposer comme une véritable icône et référence culturelle. Toujours fier même au cours de son déclin, alors que la maladie prenait de plus en plus le pas sur lui-même. On retiendra un athlète de haut niveau, peut-être bien le plus grand que le monde de la boxe ai jamais connu. Et malgré son statut de légende et son arrogance bien souvent affichée et vilipendée, il saura rester humble jusqu’au bout:

«Dieu m’a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n’étais qu’un homme comme les autres, que j’avais des faiblesses, comme tout le monde. C’est tout ce que je suis: un homme.»