Rap et stupéfiants sont de meilleurs ennemis depuis longtemps, le nier ou se convaincre du contraire reviendrait à annexer tout un pan. Si la présence de substances illicites a squatté les textes d’aînés en petits frères, c’est sur la façon d’en traiter que tout diffère.
Le mouvement artistique est par essence une démarche de recherche, il s’est donc très naturellement fait l’hôte de paradis artificiels et rien de nouveau là-dedans. Auteurs et peintres de la fin du 19ème siècle carburaient à l’opium ou à l’absinthe, les années folles virent l’explosion de la poudreuse dans les milieux nocturnes aisés et plus tard le rock’n’roll abrita bon nombre d’héroïnomanes notoires. Le hip-hop quant à lui a vraisemblablement la weed comme bannière stupéfiante, et même si c’est loin d’être la seule qui circule c’est la plus communément admise. Mais alors … En quoi le rap serait différent ?
Le rap : de l’usage récréatif au trafic international
Vous aurez sans mal cerné toute l’ironie de ce sous-titre, si le rap se distingue sur ce point et reste l’enfant inavouable des mouvements le précédant, c’est qu’il n’évoque pas uniquement l’usage de drogues mais bel et bien son commerce illégal.
Et c’est ici que les choses se corsent, puisque les sensibilités sont très différentes entre les différents rappeurs qui évoquent le sujet du trafic. Ci-dessus par exemple, nous avons choisi de vous partager un son issu de l’album “Le temps du changement” signé Tero Rho ici en featuring avec LIM et Zeler. Ce morceau illustre avec brio une première sensibilité présente au sein du rap, des gars de quartiers souhaitant transposer leur propre expérience dans le milieu et représenter le quotidien de tous les autres frères qui vivent de cet extrême, bloqués dans l’engrenage.
Sensiblement différent sur le fond, Kery James signe ici un morceau conceptuel avec un schéma narratif inversé, commençant par le débarras d’un cadavre dans le coffre de deux associés. Au fil de l’histoire nous apprendrons que la cause de ce règlement de comptes n’est autre qu’une grande quantité de poudreuse, mobile classique d’un meurtre dans la profession. Le rappeur propose ici un récit choc pour provoquer une prise de conscience chez l’auditeur, et nous adresse donc une mise en garde bienveillante malgré le caractère immersif et violent du clip. On aurait également pu citer son morceau “L’impasse” avec le jeune Béné qui déconstruit les rêves mafieux d’un gosse de cité sur le point de dévaler la pente. Là où certains sont de véritables délégués du syndicat silencieux, d’autres entraînent d’avantage leur public dans le fantasme cinéphile …
Discerner le nécessiteux du vantard
C’est là tout l’embarras, et toute la scission actuelle. Certains agissent en sous-sol mais n’en parlerons jamais au micro. D’autres agissent mais alertent. Et de joyeux lurons ont fait leur apparition, exhibant tous les attributs de la bikrave et hurlant à tue-tête leurs profits illégaux. Cette dernière catégorie de rappeurs a normalisé la vantardise et n’est pas à confondre avec nos deux exemples précédemment cités. LIM a, comme d’autres, toujours eu une démarche fédératrice au delà de morceaux explicites et une pensée collective éloignée du nombrilisme flatté par le Capital. Ce que nous dénonçons ce sont les nouvelles princesses du mouvement. Celles qui émergent avec la croyance raffermie par les majors que, pour être rappeur, il suffit de mettre en avant ses activités douteuses, fussent-elles fictives. C’est une frontière que les soldats de ce mouvement ne sont pas en mesure de franchir, esprit Zulu oblige. Nous ne ferons pas l’honneur d’une publicité à ceux que nous ciblons mais chacun peut discerner ce qui relève du fantasme conté, qui souvent grossit le trait qui plus est.
Le tabou de la dure
Dans la société comme dans le paysage rap, la drogue dure a toujours été réprimée et associée au pire. C’est loin d’être infondé mais certains artistes français ont brisé le tabou sur cette addiction fatale au travers de morceaux tantôt émouvants, tantôt flippants. Premier exemple ici avec le track “Même le diable ne peut plus m’aider” de Big Brother Hakim et DJ Dee Nasty.
” Elle est la seule chose par laquelle j’existe”
Big Brother Hakim
” C’est comme ci Escobar te faisait une dédicace”
Vous l’aurez compris, la liste des rappeurs français ayant assumé leur recours à la came est extrêmement restreinte. Et pour cause, la mentalité hip-hop reste globalement hostile à la prise de came, d’autant plus pour cette génération d’emcees ayant connu la grande époque de l’héro dans les quartiers.
Une conclusion ?
Le rap abrite une multitude de visions, de rapports à la drogue. C’est une preuve supplémentaire de l’immense richesse humaine du mouvement, quand certains sportifs n’y ont jamais touché d’autres ont côtoyé les pires substances. Certains ont vendu, d’autres non. Certains en ont parlé, d’autre pas. En clair le discours que chaque rappeur adopte quant à la drogue relève de son unique responsabilité, et à lui de choisir si ce thème doit figurer dans son travail ou non.
Cet article n’a naturellement aucun but promotionnel vis à vis d’une quelconque substance et ne fait que mettre en lumière le rapport à la drogue au sein de notre mouvement. Faites du sport. Faites l’amour. Et comme le dirait si bien Papifredo;
Mangez de la salade vous serez jamais malade !