“Shape Of My Heart” est l’une des chansons les plus samplées et utilisées dans le hip-hop. Retour sur l’histoire d’un titre phénoménal, allant de Sting et Luc Besson jusqu’a Juice Wrld, en passant par Nas ou encore Tory Lanez.
Retour sur l’épopée d’une musique qui a traversé les générations et les styles de musiques. De sa création jusqu’à aujourd’hui, vivez l’histoire d’un titre et des notes de guitare les plus emblématiques au monde.
Origine et création de la musique
Sting :
Avant de parler de la musique, laissez moi vous présenter son créateur, le chanteur britannique Sting. Icône de la musique des années 80, le chanteur connaît ses premiers succès musicaux avec son groupe pop-rock The Police notamment grâce à des titres comme “Message in The Bottle” ou “Roxanne”. Vous énumérer leurs différents classiques serait trop long tant le groupe possède une discographie complète et éclectique. Sting, de son vrai nom Gordon Sumner, décide en 1985 de se lancer dans une carrière solo. Il est prédestiné à une carrière de renommée, étant donné qu’il est le leader et chanteur de son ancien groupe.
Afin de débuter sa nouvelle vie et de trouver de l’inspiration, le chanteur décide de vagabonder entre New-York et Londres. Il s’attache étonnamment à la première ville, et sort son premier projet solo qui contient un titre représentant son amour pour la ville : “Englishman In New-York”. 8 ans passent, et en 1993, sort le plus grand succès commercial et critique de Sting : “Ten Summoner’s Tale”. L’album sera même nommé au Grammy Awards de 1994 dans la catégorie “Meilleur album de l’année”, mais laissera le prix à Whitney Houston pour son magnifique projet “The Bodyguard”.
Cinéma :
Petit aparté. Il faut savoir que Sting ne se contentait pas seulement de la musique pour s’épanouir. En effet, le britannique eu une carrière cinématographique qui a son importance pour la suite de l’histoire. Il côtoya David Lynch en 1984 pour le premier rôle dans Dune, ou encore Guy Ritchie dans Arnaques, Crimes et Botaniques. C’est alors qu’en 1993 arrive un jeune réalisateur français, qui a déjà conquis son pays mais qui dégage une ambition d’ogre. Luc Besson.
Ce dernier décide de faire un film en anglais avec son acteur fétiche dans le peau du personnage principal : Jean Reno. Le film, c’est Léon. Ce film est une ode à la ville de New-York dans laquelle le personnage principal, tueur a gages, ne se sent pas chez lui. Et quoi de mieux pour illustrer ce sentiment que de contacter un musicien qui le vit aussi ? Le réalisateur s’empressa et demanda à la coqueluche de David Lynch si il pouvait emprunter un de ses titres. Sting acquiesça, et le générique de fin de Léon s’accoupla finalement avec “Shape Of My Heart”, dixième titre de l’album “Ten Summoner’s Tale” . Le succès du film et la mélancolie de la musique marquèrent les esprits.
Le Prince de New-York
Pour l’instant, rien ne lie cette chanson au monde du rap. Mais une musique va tout changer.
En 1995, un rappeur New-Yorkais se trouve au sommet des spéculations. The Notorious B.I.G, qui aura bientôt droit à son documentaire sur Netflix, vient de sortir “Ready to Die”, qui s’est écoulé à plus de 4 millions de ventes. Biggie en vient même jusqu’à poser en une du magazine “The Source” avec une couronne sur la tête. Tapît dans l’ombre, un autre rappeur New-Yorkais n’accepte pas la fin annoncée de son règne éphémère et décide de reprendre les choses en main. En effet, Nas entreprend de reprendre le trône à celui qu’il soupçonne de plagiat suite à la pochette de “Ready To Die”, où l’on aperçoit Biggie bébé, comme Nas avait pu le faire pour son premier album.
Dans ce contexte est publié le titre “The Message”, où Nas s’en prend à toute la concurrence New-Yorkaise et plus spécifiquement à celui qu’il jalouse, à la manière d’un tueur à gages. Ca ne vous rappelle pas quelque chose ? Pour la première fois dans le rap, le sample de “Shape of My Heart” était utilisé. Ce titre est encore aujourd’hui l’une des plus grandes réussites du rappeur, et est considéré par beaucoup comme un classique du rap américain.
Nouvelle génération
“The Message” fit connaître cette guitare à toute une génération. Mais le titre eu tant de succès que réutiliser ce sample aurait été vu comme du plagiat envers le prince de New-York. Le titre fut tout de même repris plusieurs fois entre temps mais sans connaître une renommée aussi forte. On peut citer quelques reprises des années 2000, comme “Break You Off” de The Roots, “Emotional” de Carl Thomas, “Shape” de Sugababes ou encore “Ways Of The World” de Lil’Zane.
Mais c’est en 2017 que ces notes de guitare refirent surface. Elles commencèrent par retentir aux Etats-Unis, puis s’installèrent un peu partout dans le monde avec un titre qui connut un succès monstre. L’histoire raconte qu’un jeune lycéen de Chicago aurait écrit cette chanson dans sa salle d’étude, puis l’aurait enregistré en 20 minutes. Ce jeune lycéen n’est autre que Juice Wrld, rappeur malheureusement décédé l’année dernière. La chanson : “Lucid Dreams”, sorti en 2017, n’a pas cessé de nous surprendre. 656 millions de vues sur Youtube. Plus de 1,5 milliards de streams sur Spotify. Et toujours les mêmes notes mélancoliques de guitare, composées en 1995.
Le sample connaît alors un second souffle. Un an plus tard, le rappeur-chanteur canadien Tory Lanez sort son deuxième album studio “Memories Don’t Die”. Un titre et un featuring retiennent particulièrement l’attention des auditeurs : “Pieces” en collaboration avec 50 Cent. Vous l’auriez compris, on retrouve la guitare de Sting tout au long du titre, qui raconte le destin tragique d’un homme et d’une femme. Puis c’est au tour de Russ, de s’accaparer le sample, afin de produire le génial “Parkstone Drive” la même année.
Et la France ?
Dans notre pays hexagonale, nous avons aussi eu droit à deux utilisations réussies du titre “Shape Of My Heart”. La première, par Fababy, où il le reprend dans “Fuck l’amour”, titre présent dans son premier album “La symphonie des chargeurs” sorti en 2012. On le retrouve aussi dans le son “Petit bonhomme Vol.2” tiré de l’album “La bonne école” de Demi Portion, sorti en 2020. Le premier comptabilise 4 millions de vues sur Youtube, tandis que le second se rapproche considérablement de son premier million.
Conclusion.
Pour l’instant, la chanson composée en 1995 par Sting, fut samplée dans 42 titres. On peut la retrouver dans des titres de rap japonais, coréen, hollandais, polonais, finlandais, turc, espagnol, hongrois et argentin. Belle récompense, pour une musique censé représenter New-York, ville cosmopolite et véritable melting-pot culturel. Ces quelques notes de guitares ont su conquérir le monde entier et garder une part d’intemporalité. Rien ne l’empêchera de revenir dans quelques années pour accompagner un hit aux sonorités futuristes !
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