Le combat continue est un classique inévitable du rap français. Un disque de chevet pour beaucoup d’amoureux du rap. Retour sur ce projet qui fut à la fois l’apogée et l’adieu du groupe Ideal J. Un hymne à la racaille, porté par la vision empli d’amertume de Kery James à l’égard de la société française.
Le combat continue, c’est l’histoire de quatre hommes : le pilier du groupe Kery James, le beatmaker génial DJ Mehdi et les backeurs Teddy Corona et Rocco. Une aventure qui prend ses racines dès 1990 à la fondation du groupe Ideal J. A seulement 13 ans, Kery fonde les Ideal Junior avec Jessy Money, Rocco, Teddy Corona et Selim du 9.4. Un groupe de potes qui écume les scènes du Val-de-Marne – le trident Orly Choisy Vitry en tête – et se fait vite une réputation avec un rap un brin naïf mais déjà conscient, qui pioche dans des sonorités raggas.
Mehdi rejoint l’aventure quand d’autres la quitte. Après le maxi « La vie est brutale » et le premier album Original MC’s sur une mission en 1996, les jeunes aux dents longues sortent leur second album en 1998 : Le combat continue. Un projet très attendu puisque porté par la réputation du collectif Mafia K’1 Fry dont ils font partie.
Si le combat continue est créé en groupe, c’est bien par le filtre de Kery James que la parole nous est livrés. La cover devenue mythique dit déjà beaucoup de choses de l’état d’esprit de l’album. Un drapeau bleu blanc rouge serré par une main noire : La France est au cœur des propos de Kery James, qu’il attaque sans concession. Kery propose deux types de morceaux : des constats amers sur la société, comme dans le classique « Hardcore » et des introspections comme « Un nuage de fumée ».
Entre les deux, des zones de gris ou il peint les réalités du ghetto à travers sa vision. Le désespoir d’un banlieusard, perdu entre ses ambitions et le mur sur lequel il se heurte lorsqu’il tend à devenir meilleur. Le discours a évolué, le message politique est plus cru. La biais poétique est rare, seule livrer sa vérité compte : « « Il est important de resituer le monde d’enculé dans lequel on est obligés d’évoluer » clame-t-il en début d’album.
Kery James se veut la voix de sa communauté. Celle d’immigrés qui ne se retrouvent pas dans notre société, celle de banlieusards loin de tout, culturellement et géographiquement. Les prods de Dj Mehdi font toutes mouches et contribuent au très bon vieillissement de l’album. Si le discours de Kery a quelque peu évolué depuis cette pierre fondatrice, les productions restent elles intemporelles. Des samples, qui vont de Charles Aznavour à John Coltrane ou Barry White, que Mehdi utilise à la perfection pour servir l’interprétation de son rappeur. Comme la montée en puissance du beat sur « Hardcore ».
Au sein même de ce grand album, il y a des morceaux plus forts que d’autres qui ont traversé le temps pour devenir des classiques en eux-mêmes. Celui cité précédemment est sûrement le plus fort au vu de la sincérité dure du propos mais des titres comme l’éponyme “Le Combat Continue”, “Pour une poignée de dollars, “Message”, “Un nuage de fumée”, ou encore “L’amour” en featuring avec Rohff et Demon One ont tous marqué les auditeurs. Chacun à son petit préféré qui lui procure la même émotion qu’à sa première écoute.
Plus qu’aucun autre album, Le Combat Continue représente la bande-son alternative d’une époque. Celle où en 1998, malgré le mantra black-blanc-beur qui naît à la suite des victoires des bleus à la coupe du monde, les inégalités restent ancrées. 20 ans plus tard, on peut affirmer que Kery James était la voix parfaite pour faire état de cette réalité.