Après une année 2016 dominée de long en large par Nekfeu et MHD, on se demandait à quoi allait bien pouvoir ressembler ce cru 2017. Deux tendances s’étaient clairement distinguées : d’un côté, on s’enfonçait dans la trap, dans les gimmicks, en n’hésitant pas à ramener des influences africaines pour faire danser. De l’autre, on avait une volonté de faire un rap un peu moins dansant, mais plus “fouillé” au niveau des émotions exprimées et du texte. L’année 2017 semble avoir fait exploser tous ces codes, grâce parce exemple au retour du kickage, ce rap énervé, brutal, qui donne l’impression d’être tout le temps en freestyle.
Après le rap US, c’est donc à notre bon vieux Rap Français d’être passé au crible pour l’année 2017. Enfin, le rap francophone plutôt, car la Belgique est extrêmement bien représentée dans ce top, et qu’elle a participé à faire de 2017 un cru exceptionnellement varié et de qualité. Pour ce qui est des critères, la nouveauté et l’innovation sont bien entendu primordiales, ainsi que le statu de l’artiste: un jeune qui a explosé aura toute notre attention, un ancien qui a déçu ne figurera pas dans le top (coucou Solaar et Booba, Lacrim et SCH). On a été moins critiques vis à vis du chant, car après tout, on a trop longtemps reproché à notre rap français de ne pas assez sortir de sa zone de confort, mais pas de là à mettre Orelsan dans ce classement.. On vous laisse découvrir les projets qui ont marqué, pour nous, l’année 2017.
Sofiane : “#Jesuispasséchezso”
On commence évidemment par le trublion de cette année 2017, celui qui a foutu un vrai bordel dans ce rap français qui en avait bien besoin : Sofiane. Le MC du Blanc Mesnil à réussi à conquérir le public grâce à un rap rempli de hargne, d’envie, mais avec également beaucoup de technique. Alors certes, la plupart des morceaux de l’album sont sortis en 2016, mais l’album “#JesuispasséchezSo” est bien paru en janvier. Sofiane à véritablement explosé cette année avec plusieurs hits, et surtout énormément de featurings et de bangers aux punchlines devenues classiques. Raison pour laquelle il devait absolument figurer dans ce top : personne ne kicke comme lui, et ça fait plaisir à voir.
Caballero & Jeanjass : “Double Hélice”
On arrive déjà aux premiers représentants belges de ce top 10. Caballero & JeanJass ont beaucoup travaillé cette année avec cet album “Double Hélice 2” qui leur a permis de faire la tournée des festivals et des concerts pendant tout l’été. Il faut dire que les deux rappeurs ont changé de dimension avec ce disque : varié, à la fois énergique et planant, parfois réfléchi, parfois complètement con, le projet est extrêmement bien ficelé et bien produit. Le tout, poussé par des clips de qualité, et une bonne humeur qui donne aux deux belges un énorme capital sympathie de la part du public. Caba et JJ le leur rendent bien, et se sont construit, avec “Double Hélice 2”, une base extrêmement solide pour la suite de leur carrière, qui s’annonce aussi folle qu’eux.
Kekra : “Vréel 3”
On a hésité à mettre Kekra dans ce top. Est ce vraiment du rap? On peut se poser la question au vu des instrus utilisées et de la manière de “rapper/chanter” du MC de Courbevoie. Ses influences sont carrément plus électro/jamaïcaines que hip hop, à l’image de la scène anglaise en ce moment. Mais sa manière d’être arrogant, de se placer loin à l’écart au dessus du game, en conservant des thématiques et des paroles qui tournent autour de la rue, lève le doute. Kekra est bien un rappeur français de 2017, voire même, de 2018. Son projet est probablement le plus poussé de l’année, en termes de prises de risques artistiques, et c’est exactement ce qu’on veut valoriser avec ce top. Il est hyper créatif, le sait et en joue beaucoup, comme sur “Tout seul” ou “Proprement dit”. Un projet à écouter au premier degré, et avec beaucoup de références (le name-dropping est une de ses grandes passions, et Kekra a visiblement regardé tous les films et dessins animés déjà sortis. Ça change des éternelles références à DBZ).
Davodka : “Accusé de Réflexion”
Bon, après Kekra, on se devait redonner un peu d’air aux puristes en parlant d’un rap qu’ils apprécient plus. Et si on veut parler de “vrai rap”, on est obligés de parler de l’album de Davodka, “Accusé de réflexion”. Une des bonnes surprises de cette fin d’année. Loin de tourner en rond, Davodka est en train de se réinventer, et va même jusqu’à explorer des sonorités trap. On vous rassure, ça reste du Davodka, conscient et engagé, mais on tenait à souligner l’effort de faire de la trap intelligente. À côté de ça, évidemment, beaucoup de technique, une vraie maîtrise de la rime, et des textes toujours aussi désabusés et sans concession. La scène indépendante du 18ème est toujours bien représentée!
Kalash : “Mwaka Moon”
Kalash
a quasiment éteint la concurrence en cette fin d’année 2017 avec “Mwaka Moon”. Le morceau du même nom, accompagné de son clip, font partie des sons les plus streamés cette année. Ça y est, Kalash fait désormais partie des très gros poissons, grâce à un album très réussi. Le titre “Mwaka Story” est d’ailleurs un petit bijou de fusion trap/dancehall, comme lui seul peut se le permettre en France. Sa voix a le pouvoir, semble-t-il, d’ambiancer n’importe quel type de son, mais il garde ce côté violent, sombre et mélancolique qui sont la marque de fabrique des artistes du 92i. Kalash pourrait ne sortir que des hits à plus de 100 millions de vues, mais préfère rester street en continuant à parler de manière très crue de misère, d’armes, de drogue et de cul. Et on l’en remercie! Ça donne un excellent projet, très complet et très rythmé.
Niska : “Commando”
Niska
ne cesse de monter en flèche depuis sa découverte par le grand public grâce au Freestyle PSG. Cette année, avec “Commando”, le nombre de titres qu’il a réussi à placer en rotation est impressionnant. Son album est beaucoup plus varié qu’on n’aurait pu l’attendre, et c’est grâce à lui que 2017 aura été placé sous le signe du gimmick. Ses hits on eu beaucoup d’influence, mais de très bons morceaux sont aussi restés confidentiels, comme “Medellin” ou “Story X“. Oui, c’est de la trap, oui, le personnage du cassos incarné par Niska peut être agaçant, mais nous, on le trouve drôle et même presque touchant parfois, comme sur le refrain de “Salé”. Bref, de la personnalité, de l’influence, un gros impact, on le met donc dans notre top, même si c’est “commercial”.
Damso : “Ipséité”
Damso
est énervant. Sa facilité à trouver toutes sortes de rimes, souvent hyper malsaines et dérangeantes, commence à nous fatiguer. Pourquoi? Parce qu’il ne rappe presque plus, il passe son temps à chantonner. Pourtant, lorsqu’il rappe, comme sur “Nwaar is the New Black”, Damso montre qu’il est au dessus de presque tous les autres. Sa manière d’écrire, même si elle commence à être assez téléphonée (on finit par savoir quand la punchline sale va tomber) est géniale, et ses textes baladent l’auditeur entre interrogations et répulsion, comme sur le morceau “Une âme pour deux”. Ce talent, c’est la raison pour laquelle il est dans le top, mais attention, si il continue à chantonner des “Macarena”, on ne sera pas aussi magnanimes.
Hamza : “1994”
On vous rassure tout de suite : on n’a pas pris l’album de Hamza, “1994”, pour un album de rap, mais pour un excellent album de RnB, peut-être le meilleur de 2017 toutes nationalités confondues. Un album varié, avec des rythmes qui vous font danser n’importe qui, et un potentiel à rendre les filles folles en soirée, ce qui ne peut que nous faire plaisir! Pourtant, le projet d’Hamza n’est pas qu’un projet pour les clubs, mais aussi pour la ride, ce genre de musique qui vous met d’humeur légère pendant un trajet. Les prods sont très bien faites, le chant autotuné est maîtrisé, et Hamza nous livre donc un petit bijou RnB très frais et moderne.
Vald : “Agartha”
devait franchir un pallier en 2017, après les buzz produits par ses morceaux “Bonjour”, “Selfie” et “Urbanisme”. “Agartha” a eu l’effet escompté : en faisant de lui le rappeur favori des festivals, déjà, et en lui offrant une visibilité radio d’une belle ampleur, même si ça n’est pas pour les meilleurs titres de l’album. Vald nous ballade encore entre faux egotrips et vrais questionnement, tout en rendant toujours son rap aussi difficile à déchiffrer. Se fout-il de votre gueule, ou est il terriblement sérieux et lucide à la manière d’un dépressif? Nul ne sait. Quoiqu’il en soit, c’est bien produit, bien écrit, bien rappé, et ça a du sens, même s’il faut creuser un peu. Alors c’est dans notre top!
Roméo Elvis & Le Motel : “Morale 2”
est notre coup de cœur de l’année. Un coup de coeur, ça ne s’explique pas forcément, mais on adore son coté franchouillard, drôle et touchant, mais aussi avec beaucoup d’esprit. Un vrai talent pour l’écriture, même s’il ne la révolutionne pas, et surtout, un côté crooner moderne avec sa voix unique et si particulière. On a surtout aimé les prods et les ambiances un peu douces / amères sur lesquelles le belge nous fait voyager. Un album rafraîchissant, que l’homme défend extrêmement bien en live comme on a pu le voir de nos propres yeux! Et big up au Motel pour les prods incroyables.
On a aimé aussi: “THC” de Freeze Corleone, “Dernier Manuscrit” de Jeff le Nerf et Furax Barbarossa, “Je ne me vois pas briller” de Jul (si si on vous jure, les morceaux rap, et celui avec Le Rat), “Comme Prévu” de Ninho.