Pone : « j’ai mixé pour les Jeux Olympiques, c’était incroyable ! 

Pone, producteur et fondateur de la mythique Fonky Family a encore marqué l’histoire. Paralysé par la maladie de Charcot, il a mixé lors de la cérémonie de passassion des Jeux Olympiques entre Tokyo 2020 et Paris 2024… Avec ses yeux. Il nous raconte.

Faire de la musique c’est le quotidien de Pone depuis les années 90. Seulement, comme chacun sait, le producteur historique de la Fonky Family est depuis plusieurs années maintenant, paralysé et alité à cause de la Maladie de Charcot. Frappé de plein fouet par cette maladie dégénérative, il ne lui reste aujourd’hui plus que ses yeux, non pas pour pleurer, mais pour communiquer et composer.

Voilà donc plus de deux ans qu’en plus de nous donner à tous une formidable leçon de vie, il s’est remis à faire kiffer nos oreilles. Faire du son en utilisant uniquement ses yeux, c’est déjà une sacrée prouesse, et alors qu’on pensait qu’il ne pourrait pas aller plus loin, il a franchi un nouveau cap en participant aux Jeux olympiques sur le terrain musical. Comprenez que c’est à lui qu’est revenu la tâche d’accueillir la flamme olympique à Paris, en mixant lors de la cérémonie de passassions des JO entre Tokyo 2020 et Paris 2024.

Trois mois à peine après la sortie de Listen & Donate, son premier projet musical et caritatif d’envergure, celui qui depuis sa chambre médicalisée se bat tous les jours pour crier haut et fort qu’une vie heureuse est possible est possible avec la maladie, l’a encore prouvé ce dimanche 5 septembre. Au lendemain de sa performance historique, Pone s’est rendu disponible pour nous la raconter. Cette fois, c’est bien nous qui avons des étoiles dans les yeux.

Mixer au JO : « Un moment inoubliable »

Flashback : nous sommes début juillet, la flamme olympique n’est pas encore arrivée à Tokyo et la plus prestigieuse cérémonie sportive de tous les temps n’a pas encore commencé que les organisateurs du Comité International Olympique s’organisent déjà pour préparer la suite. Ils ont alors une idée de génie : demander à Pone de mixer lors de la cérémonie de passation entre les JO de Tokyo et ceux de Paris en 2024. Forcément, au début, l’artiste n’en croyait pas ses yeux : « Je n’y ai pas cru jusqu’à la confirmation. C’est complètement fou, mais quand le CIO a contacté mon associé pour lui proposer l’idée, je ne pouvais pas refuser », confie-t-il. Il se souvient d’ailleurs du moment précis quand il a appris la nouvelle « On était en plein repas de famille, une douzaine dans ma chambre. J’ai fait écouter le vocal que j’avais reçu dans la journée de mon associé me confirmant la nouvelle. Tout le monde a crié et applaudi. C’était beau ».

Mais une fois lui et les siens remis de leurs émotions, tout restait à faire pour Pone. Les JO n’avaient pas encore commencé qu’il lui fallait bosser un mix olympique, digne de la plus grande compétition sportive du monde. Sans pression, il s’est inspiré des morceaux de son album solo Kate & Me et choisi d’en remixer cinq titres en leur donnant une vibe plus festive et dansante. Une fois cette vision en tête, le producteur, armé de ses yeux et de son logiciel de commande oculaire qui lui a déjà permis de faire tant de merveilles, s’est lancé dans la conception d’un mix de près de 4 minutes, pour le jouer en direct au Trocadéro, devant les athlètes et tous ceux venus célébrer la transition olympique.

« Salut, c’est Pone et je vais vous ambiancer ». C’est sur ces mots tapés du plus profond du regard et repris par la voix numérisée de son ordinateur que le producteur a lancé les hostilités. Face au public de la cérémonie et devant 130 millions de téléspectateurs dans le monde, il a ainsi mixé sur écran géant sa dernière composition en direct de sa chambre médicalisée. Une pièce musicale habillée des images des performances des athlètes médaillés de la délégation française.

Avec autant de monde braqués sur lui, il aurait pu avoir le trac, mais Pone est resté inflexible : « C’était incroyable, mais je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais la pression, j’essaye de toujours rester focus. En direct sur écran géant ou sur scène, c’est les mêmes réflexes : on entend ce qui se passe, c’est incroyable et je kiffe, mais je bloque pas car il faut rester concentré ».

Concentré, il l’est effectivement resté jusqu’au bout, sous les ovations d’un public ému et forcément conquis. Ceci dit, au-delà de communiquer son amour du son et des samples avec cette performance, Pone souhaitait avant tout mettre son combat contre la maladie au premier plan.

SLA : prévenir à défaut de guérir

Depuis qu’il a fait le deuil de son corps et accepté sa nouvelle vie, Pone a fait de la prévention contre la maladie de Charcot, son principal combat. Avec son association « La SLA pour les Nuls », il se bat au quotidien pour montrer que la vie avec la maladie est possible, et souhaite dans cette optique « faire évoluer la prise en charge des patients lourds à domicile par la formation et la loi ».

Problème : malgré ses initiatives créatives et informatives, la législation n’avance pas d’un iota. Pone rappelle et déplore en effet que « La prise en soins à domicile des personnes atteintes de SLA en phase avancée nécessite entre 2 et 3 heures de soins infirmiers par jour. Le tout pour une cotation dérisoire, ce qui fait qu’aucun cabinet libéral ne nous accepte car ils perdent de l’argent ».

En réponse aux coûts exorbitants des solutions alternatives proposées par la société, il propose donc aux autorités compétentes de « créer un forfait d’environ 150 euros pour les cabinets infirmiers par jour afin que nous puissions être “attractifs”. Il rappelle dans le même temps que les hébergements en centre n’ont pas de sens quand «beaucoup d’entre nous, mais aussi les tétraplégiques et poly handicapés lourds se battent pour vivre entourés de leurs proches à domicile ». Un problème complexe, mais bien réel que Pone a mis plus que jamais en lumière grâce à sa musique.

Après les JO, toujours plus loin ?

Évidemment, lorsqu’il ne va pas au front contre sa maladie, Pone continue de charbonner sur ses projets perso. Si en ce moment, il s’ambiance surtout sur Cheers to the Best Memories, le dernier projet commun de Ty Dolla $ign et dvsn, il travaille également à la rédaction de sa biographie quand il ne fait pas de musique. A ce sujet, il s’amuse d’ailleurs : « ça fait un an que je travaille dessus, y a trop longtemps que ça traîne, mais quand ça sortira, après avoir fait les JO, j’aimerais gagner le prix Goncourt mdr »

Si la rédaction avance en pointillés, niveau musique, Pone ne manque pas d’inspiration. Pour rappel, depuis 2019, il a sorti pas moins de trois projets différents : son album solo Kate & Me, son EP en commun avec Karlito de la Mafia K’1 Fry, Vision et Listen & Donate, son dernier projet instrumental caritatif dont une écoute permet de faire un don à son association Trakadom qui récolte des fonds pour former les soignants et ainsi permettre la prise en charge des malades chez eux. A ceux qui en attendent plus, sachez que de nouvelles choses arriveront bientôt. A ce sujet, Pone prévient, les yeux tournés vers l’avenir : « J’ai pas mal de choses sur le feu, j’attends juste que ce soit cuit ». Une nouvelle dont on ne peut que se réjouir, car avec un regard aussi ardent que le feu de la flamme olympique, son avenir musical ne peut qu’être radieux.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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