De tous les styles musicaux, très populaires, le rap est sans doute celui qui échappe aux grands majors depuis le plus longtemps. Si les grandes entreprises ont réussi à mettre un pied dans l’industrie du rap avec des collaborations, elles n’ont jamais réussi à dicter le ton des rappeurs. Le récent cas de Freeze Corleone le démontre bien. Même en major, le rappeur du collectif 667 a tenu à garder les pleins droits sur sa musique. Une bonne intuition quand on connaît la polémique qui a suivi la sortie de “LMF”, le dernier album du rappeur.
L’indépendance du rap est-elle une condition de son existence ? Le rap peut-il vraiment s’accommoder de la politique des majors ? C’est ce que nous allons tenter de voir.
Le pouvoir des majors
La puissance des majors est telle qu’il est presque impossible de ne pas passer par celles-ci pour véritablement exploser. Ainsi, de nombreux labels dits indépendants avaient en vérité des contrats avec les majors concernant la promotion ou la distribution de leurs artistes. Cash Money Records, le label Légendaire de La Nouvelle-Orléans a ainsi signé un contrat avec Universal Records et possède 85% des droits, le reste revenant au géant de la musique.
Dans de plus rares cas, la major a directement racheté le label autrefois indépendant. Le meilleur exemple reste Aftermath Entertainment, le label créé par Dr Dre qui a révélé Eminem ou 50cent. Quand Interscope Records, la co-entreprise qui gère Aftermath sera rachetée par Universal, le label de Dre sera absorbé dans la transaction. Universal se place donc dans les labels déjà confirmés qui possèdent un éventail d’artistes extrêmement populaires.
Mais face à cela, les grandes entreprises doivent faire face à deux grands ennemis : les réseaux sociaux et la volonté politique des artistes. Pas de quoi mettre en branle leur quasi-monopole, mais une résistance à saluer.
Les réseaux sociaux
Une chose a changé depuis les années 2000 avec l’avènement des réseaux sociaux. Si le freestyle devenu viral de Tory Lanez montre un rappeur déjà connu, bon nombre de punchliners comptent sur la visibilité gratuite des réseaux sociaux pour percer. Et ça marche ! Qui n’a jamais découvert un rappeur au travers des réseaux ? Ce tour de force est rendu possible par l’accessibilité des plateformes. Il est facile de regarder un clip et tout aussi facile de l’uploader. Que ce soit pour les artistes ou nous autres, le lien est direct.
En France, plusieurs rappeurs ont réussi comme cela. Moha la Squale, mais surtout JuL en sont des exemples parfaits. La promiscuité n’est dans ce cas pas simplement un avantage, c’est l’essence même du rap, un art qui parle du quotidien.
Une volonté d’indépendance
Le rap est une musique contestataire, ou du moins qui n’hésite pas critiquer les codes et la société. De ce simple fait, la culture rap refuse la soumission à des labels plus grands. Ce genre d’artistes existe encore, que ce soit en France ou à l’étranger. Outre-Atlantique, on peut parler d’un rappeur qui se revendique comme un des plus gros producteurs réellement indépendant du milieu.
Tech N9ne est un rappeur connu pour son style très particulier. Son rap totalement survolté et son label Strange Music sont loin d’être dans la mouvance plus calme du rap. Ici, on retourne aux origines du Midwest choppers, un style particulièrement rapide et demandant une diction parfaite. Si certains se concentrent ou se motivent en écoutant de la musique survitaminée, alors ce style est fait pour vous.
Mais, malgré sa musique représentant une partie moins connue des États-Unis, le rappeur à réussi à faire de son label un mastodonte de ce genre en particulier.
La même stratégie est adoptée pour les sons festifs et rythmés du label D’or et de Platine de JuL. Celui-ci se concentre dans quelques artistes qu’il connaît bien et ses propres albums pour le chiffre d’affaires de son entreprise. Avec un succès fulgurant et des coûts bien diminués, notamment en raison de l’absence d’intermédiaires entre la conception, la production, la promotion et la distribution, les artistes peuvent gagner de l’argent sans avoir besoin des majors.
Les limites de l’indépendance
En France, peu de gens écoutent Tech n9ne et aux États-Unis, les sons de Jul ne marchent pas comme ceux d’autres artistes francophones, Stromae par exemple. Si l’importance des paroles joue un rôle primordial dans cette segmentation des raps, le fait d’être indépendant empêche aussi une diffusion à l’échelle mondiale. C’est un choix à faire pour les artistes et chacun a son public, c’est aussi cela la richesse du rap.