image-ybn cordae the lost boy chronique

The Los Boy de YBN Cordae

En 2017, YBN Nahmir explosait les charts avec son single Rubbin Off The Paint pendant que son compatriote YBN Cordae faisait office d’énième rappeur oubliable dans un  crew de rappeurs à l’acronyme commun. Mais à la sortie de son diss track contre le discours arriéré de J.Cole critiquant la nouvelle génération de rappeurs, il prouvera toute la finesse de son écriture en seulement trois minutes. Après quelques singles remarquables tels que Scotty Pippen Alaska ou Target, il s’immisce sur quelques mois en haut du podium et devient l’un des rookies à suivre. Le voilà maintenant rendu à son premier album The Lost Boy arrivant tel un jouet emballé dans du papier crépon et dont nous n’avons aucun indice quant à sa saveur.

En 2016, Anxious et I’m so anxious furent les noms de ses deux premières mixtapes lorsqu’il se faisait encore appeler Entendre. A la vue de ces titres, nous sommes en droit de se questionner à propos de sa santé mentale. Le gamin, encore adolescent à cette époque, semblait déjà prêt à nous livrer ses tourments avec un certain recul et une forte lucidité. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. L’album laisse transparaître un garçon qui se réveille d’un hiver glacial où il a passé son temps à entasser des squelettes du passé dans un placard, justifiant la prise de xanax pour apaiser ses maux. Mais l’artiste se veut bien plus complexe qu’il en a l’air et cette addiction n’est qu’une infime partie de son histoire personnelle. Il utilise la carte de la sincérité dans cet opus pour en faire le fondement de son art.

En écartant les entrailles du projet, on note que chaque piste reflète une humeur du personnag. Lorsque les batteries s’affolent sur Broke as Fuck, c’est pour y exprimer sa situation familiale dans ce qu’elle a de plus malsaine. Entre sa grand-mère qui est décédée dû à une crise cardiaque ou son cousin ayant gouté le plomb bien trop tôt, Cordae arrive tant bien que mal à survire dans un climat néfaste et rester droit dans ses Air Max. Pour y parvenir, il se crée un monde imaginaire qui est retranscrit à l’aide de références cartoonesques dans ses couplets.

On comprend facilement que ses traumatismes sont liés à son environnement. Dans Family Matters, les propos sont approfondis et dépouillés dans une ambiance gospel accompagné de la voix d’Arin Ray. Après avoir raconté les déboires de sa famille pouvant se lister sur papyrus, il effectue quelques pas en arrière quant à son parcours, réalisant que son histoire personnelle n’a rien à envier avec celle de son arbre généalogique. Alors, tout du long, Cordae doit résoudre ses tourments logés dans son subconscient, faire une rétrospective des histoires fantomatiques logées dans les murs de la bicoque mitoyenne. Un hiver désenchanté, où la magie ne prend plus et qu’il faut retourner les combles pour y découvrir la réminiscence. Dans sa quête de réconciliation avec son être, il évoquera Dieu, l’implorant pour une trêve le temps de retrouver les artefacts manquants. Que ce soit sur le refrain de Have Mercy en guise de motivation speech ou durant les interludes sous forme de chœurs rendant hommage à sa grand-mère, notre rappeur s’en remet à la figure divine dans des appels aux échos venus briser les cieux.

Pour déceler ces mystères, il ne pourra pas se contenter de sa bâtisse, se risquant à arpenter les sentiers tumultueux de la vie. Bad Idea, en collaboration avec Chance The Rapper, sur une production parsemée de cuivres, illustre à la perfection l’idée dans le refrain : « And it might be not be a bad idea if I never went home again ». Alors le garçon grandit en continuant sa traversée dans la poudreuse d’une saison sans brise. Il n’oublie pas de fêter Thanksgiving quitte à ce que l’événement dépose un goût amer sur la langue. Une réalité dont la femme accrochée au bras de Cordae ne supportera pas en laissant sa chaise vacante. Une façon de monter cette atmosphère familiale lourde de regrets, preuve de l’impact nocif d’un cercle réfractaire à toute offre.

Sur sa route, Cordae croisera Pusha T au coner d’une rue en train de tenir les murs, sachets de flocons dans les poches intérieures de sa veste, les yeux toujours à l’affût de cadavres sur pattes. En effet, les deux artistes s’associent pour  procéder à un retour aux sources en extirpant chaque petit détail de leur adolescence dépravée dans Nightmares are real. S’en suit d’un message d’espoir dans We Gon Make It avec le virulent Meek Mill pour tous les auditeurs se sentant coincés sous la roche de Sisyphe.

Pour conclure, dans Lost and Found, Cordae effectue une tirade avec assurance sans bafouiller. Les intentions y sont claires : l’enfant s’est trouvé. Pas complètement certes, mais une part d’ombre s’est évaporée pour laisser place à des évidences. Cette rétrospection effectuée tout au long du disque sur son passé apparaît comme un poids en moins, lui permettant de mener une course prématurée vers une vie meilleure. Il en vient même à enterrer la hache de guerre avec J.Cole en choisissant l’une de ses instrumentales sur RNP, le titre le plus efficace du projet notamment grâce à phrasé découpé d’Anderson Paak au refrain. Malgré quelques longueurs regrettables, le produit final se déguste goulûment. Le jeune rappeur excelle et se hisse au rang de rookie au potentiel débordant. Se laissant le temps de rentrer chez lui pour revoir ses démons en les abordant avec lucidité et  sagesse, l’impatience d’une nouvelle poursuite vers la lumière en musique nous titille les tympans. En attendant, nous nous satisfaisons d’un album Soulful imprégné par les vibrations des trompettes saxophones moelleux.