EDITO : Arrêtons de glorifier 6ix9ine, l’une des plus grosses ordures du rap US

Ce week-end, Tekashi 6ix9ine est revenu sur le devant de la scène et a cassé Internet. Un phénomène de liesse scandaleux et surréaliste pour l’une des plus grosses ordures du rap US.

Légendaire, explosif, fabuleux, mythique, exceptionnel… Tels sont les adjectifs exprimés sur les réseaux et dans les médias du monde entier ces derniers jours. A quelle occasion ? Pour qualifier le come back médiatique et musical de 6ix9ine. Pour ma part, en sachant tout ce qu’il traîne derrière lui, le voir fanfaronner tout sourire et emplie d’assurance, mais surtout, le voir libre, aura suffi à me donner envie de vomir. Au moins tout autant que la complaisance affligeante des médias à son égard.

Bien sûr, à l’image de Snoop Dogg et Meek Mill, quelques irréductibles sur les réseaux se sont insurgés contre Tekashi et son attitude dédaigneuse et déloyale. Malgré tout, ne nous leurrons pas : globalement, le rappeur à la crinière arc-en-ciel a été accueilli partout comme un messi. Plus encore, il n’a jamais eu autant de succès.

Retour au sommet

Il y a encore quelques mois pourtant, tout le monde l’insultait de tous les noms, et tous son entourage le lâchait lors de son procès. A force de jouer avec la rue, le rappeur “snitch” n’était finalement plus qu’un artiste déchu, seul, et mort ou vif. Avec toutes les menaces proférées à son encontre, beaucoup pensaient même qu’il se ferait descendre en prison ou dehors.

D’autres comme T.I., restaient au contraire persuadés qu’en dépit de tout ce qu’il avait fait, il sortirait grandi de son passage derrière les barreaux. : “il y a beaucoup de rats qui se promènent. Les balances sont partout aujourd’hui. Tout le monde sait, mais personne ne fait rien. Ce mec pourra revenir chez lui, organiser des soirées, et ses soirées seront blindées”.

Bingo, il avait raison. Le vendredi 8 mai, soit le jour de son vingt-quatrième anniversaire, le rappeur originaire de Brooklyn a orchestré son come back avec une arrogance insupportable. Son live Instagram a effectivement fait l’effet d’une bombe sur le monde et son nouveau clip “GOOBA” a pulvérisé tous les records.

Après 30 minutes de diffusion, la vidéo avait déjà atteint les 500 000 vues, et 26 millions de vues après 14h. A l’heure où j’écris ces lignes, la vidéo a été visionnée plus de 93 millions de fois et a battu le record du plus grand nombre de vues sur Youtube en 24 heures. Des chiffres tout simplement astronomiques il est vrai, mais arrêtons-là les louanges, cet enfoiré en a déjà bien eu assez. “Décrivez-moi en un mot“, demande t-il sur Instagram. En voilà un tout trouvé : ******.

https://www.instagram.com/p/B_-X4l4nUPU/

L’éloge de la médiocrité

C’est donc à ça que ressemblent les héros du rap de nos jours ? Sans même parler musique, on glorifie les artistes qui façonnent leur renommée sur la provocation, le crime, la médiocrité, le buzz et le sensationnel ? Bien sûr que oui, vous répondrais-je avec un certain cynisme, et cela n’est pas nouveau, le rap est devenu le reflet de la société, soit une télé-réalité. J’ai beau m’être résilié et avoir accepté cela, le phénomène a atteint des proportions inouïes, même absurdes avec le cas 6ix9ine. Il avait pourtant pleuré devant la juge pour supplier sa libération en promettant solennellement qu’il allait changer. C’est raté.

Ici, je ne critiquerai pas sa musique. Quand on s’y penche un tant soit peu, on s’aperçoit que celle-ci jouit d’une certaine identité et déborde d’énergie. A ce sujet, seuls les goûts et, dans le cas de 6ix9ine, les couleurs vous feront apprécier ou non son univers. Et puis pourquoi critiquer sa musique quand ce guignol nous offre de multiples autres raisons de le dézinguer sur un plateau ? Je reste en effet persuadé que beaucoup ignorent toutes les atrocités dont il a fait l’objet.

Les raisons de la colère

Dans la culture hip-hop, 6ix9ine est surtout pointé du doigt pour avoir bafoué le code de l’honneur des G et de la rue en balançant les membres de son gang, les Nine Trey Bloods aux fédéraux. Mais ne parler que de ça serait trop vite oublier le reste de ses crimes. A peine âgé de 24 ans, le rappeur a un casier judiciaire plus garni encore que son corps n’a de tatouages.

Lors de son audience, il comparaissait pour un total de dix-sept chefs d’accusation. Une petite liste ? Trafic de drogue, vol à main armé, port d’arme, tentative de meurtre avec préméditation, violence conjugale, coups et blessures aggravées, et encore et surtout, agressions sexuelles sur mineure Il encourait pour tout ça, d’abord 47 ans de prison, puis la perpétuité. Il en est finalement sorti au bout de quelques mois après avoir collaboré avec les fédéraux, et a vu sa peine raccourcie encore un peu plus “grâce” aux ravages de la pandémie de Covid-19.

“I’m back and they mad”, a-t-il déclaré lors de son retour sur Instagram. Je ne peux que l’admettre : oui j’ai la rage. Voir cet enfoiré libre et érigé en héros dans le monde entier me débecte. J’ai la gerbe de le voir se foutre de la gueule du monde en se délectant de son succès et de sa nouvelle popularité. Mais bon, après tout, c’est devenu commun dans le rap de jouer de son personnage pour s’enrichir. La fin justifie les moyens comme on dit. Et à ce niveau, il a plutôt bien joué son coup.

Alors aux médias qui font leur beurre sur la mascarade de 6ix9ine et qui le mettent sur un piédestal, à vous autres auditeurs qui félicitez l’artiste et le prenez comme modèle de divertissement, souvenez-vous de tout ce qu’il a fait et demandez-vous si vous souhaitez vraiment donner du crédit à ce genre d’idole. Ces mêmes stars que vous ferez écouter plus tard à vos enfants.

Bien entendu, il y a tant d’autres artistes à blâmer dans le hip-hop pour des raisons similaires : XXXTentacion, Kodak Black Bobby Shmurda, R-Kelly... Chacun d’eux, mort ou vivant n’a pas à rougir des exactions faites par l’autoproclamé “Roi de New-York“. Leurs actes ne doivent pas non plus être minimisés sous couvert de leur valeur artistique.

Je vous entends déjà crier à l’hypocrisie, et dire que je surfe également sur le buzz de 6ix9ine en jouant les dissidents, en parlant de lui, et en partageant son clip dans cet article. “Ok boomer”, me direz-vous. Peut-être effectivement que je fais son jeu et que je tire sur l’ambulance, mais au moins, je me serais accordé le plaisir de dire tout haut ce que trop peu de gens pensent tout bas. Daniel Hernendez, Tekashi, 6ix9ine, Tekashi 6ix9ine, peu importe comment on t’appelle, je t’emmerde.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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