Avec Chilla, Ninho, SCH et Rim’K, le concert Hip-Hop Symphonique a tenu toutes ses promesses

Accompagnés par l’Orchestre philharmonique de Radio France et du groupe live The Ice Kream, Chilla, Ninho, SCH et Rim’K ont sublimé la quatrième édition de concert Hip-Hop Symphonique.

Le sampling a déjà prouvé depuis longtemps que la musique classique et le hip-hop pouvaient faire de grandes choses ensemble. Les frontières entre ces deux genres musicaux étaient déjà de plus en plus poreuses, mais depuis quatre ans maintenant, le concert Hip-Hop Symphonique les a complètement effacé.

Grâce à la radio Mouv et à l’Adami, des rappeurs français emblématiques de toutes générations revisitent des titres phares de leur discographie en live. Le tout en étant accompagnés par l’Orchestre Philharmonique de Radio France et le Live Band de jazz / gospel The Ice Kream.

“Magnifier des titres hip-hop sans que les œuvres originales ne soient perverties“, telle est la devise d’Issam Krimi, directeur artistique, orchestrateur et pianiste de cet événement exceptionnel. La formule de base a beau être toujours la même depuis quatre ans, elle est, chaque année, suffisamment embellie et renouvelée pour surprendre le public.

Hip-Hop Symphonique 4 : l’artillerie lourde

Après S.Pri Noir, Fianso, Sniper, Dosseh et Wallen l’année dernière, les artistes conviés à l’Auditorium de la Maison de la Radio ce mardi 12 novembre 2019 étaient Chilla, Ninho, SCH et Rim’K. Autrement dit, rien que des géants de la discipline, mais avec des univers musicaux très différents.

Chilla nous a touché au cœur avec sa sensibilité, sa douceur vocale et sa force verbale. Ninho a fait briller sa plume et nous a éblouis de sa fougue scénique. SCH a ramené le soleil marseillais à Paris, mais l’a rapidement caché avec son univers sombre et onirique. Enfin, Rim’K, fort de son immense carrière, s’est définitivement imposé comme le tonton de cette quatrième édition.

© Florent Drillon – Adami

Les habitués l’auront sans doute remarqué : contrairement aux trois concerts précédents, seulement quatre artistes étaient conviés (au lieu de cinq). Issam Krimi explique ce choix : “On a souhaité mettre moins de noms pour pouvoir faire beaucoup plus de morceaux. Tout ça dans le but d’être plus en phase avec chacun des artistes et leurs univers”.

Aussi, en plus d’avoir été retransmis en direct sur les antennes audio et vidéo de Mouv, (disponible en replay intégtral), le show était pour la deuxième année consécutive, intégralement chansigné pour les personnes sourdes et malentendantes. Plus qu’une simple traduction, c’est une véritable adaptation.

L’objectif du chansigne est de retranscrire au mieux le contenu des chansons, tout en jouant avec les possibilités de la langue des signes. Le sens, le rythme, les textes et ses jeux de mots, aucun élément n’est oublié, et ce afin que tout le monde sans exception, puisse savourer ce moment.

© Florent Drillon – Adami

Tout cela a été rendu possible par le travail assidu et le charisme de la chansigneuse Laety, déjà présente lors de l’édition précédente. Vous l’aurez compris : tous les éléments étaient réunis pour une soirée d’exception.

Un show grandiose

Pour la première fois cette année, c’est l’Orchestre philharmonique de Radio France et The Ice Kream ensemble, qui ouvraient le bal. Dirigés par le chef d’orchestre Dylan Corlay, les 62 musiciens présents ont alors entamé une fantastique introduction symphonique : “Peach” composée d’une main de maître par Issam au piano.

© Florent Drillon – Adami

La soirée s’est ensuite poursuivie sous le signe de l’amour avec Chilla. La rappeuse originaire d’Annecy est venue interpréter son morceau “Aimer”, extrait de son dernier album Mūn. Celle-ci était d’ailleurs loin d’être dépaysée, elle qui vient du conservatoire et a fait du violon pendant des années : “C’était comme un retour aux sources pour moi. Je n’étais pas particulièrement stressée, car je connais cet environnement, mais c’est vrai que voir ses morceaux réinterprétés par un orchestre symphonique, c’est nouveau pour moi et c’est forcément incroyable”, confie-t-elle.

Pour le reste de sa performance, Chilla s’est donné comme mot d’ordre “émotion”. C’est ainsi qu’avec Issam, son choix d’interprétation s’est porté sur “Pour la vie” et “Cœur Sombre”. “Pour moi, ces titres ont été un choix évident. Ils parlent d’amour certes, mais différemment, et sont surtout propices à transmettre des émotions”.

© Florent Drillon – Adami

Pour son premier Hip-Hop Symphonique, Ninho a utilisé l’orchestre pour raconter “La vie qu’on mène”. Vêtu d’un survet noir et arborant des lunettes de soleil, il a laissé s’exprimer toute sa street cred dans l’auditorium pour nous interpréter ses titres “Goutte d’eau” et “l’Ancien”. S’il fallait encore vous convaincre de son Destin exceptionnel, le fait qu’il ait brillé au Hip-Hop Symphonique en est une énième preuve.

© Florent Drillon – Adami

Le troisième artiste à s’être présenté sur scène était SCH. Éclatant, éblouissant, en ensemble blanc, et les cheveux dans le vent, le rappeur marseillais a habilement mis son flow autotuné au service de l’orchestre philharmonique, et réciproquement. Pour lui, ce sont ses hits “Otto” et “Le Code” qui ont été choisis. Evidemment, on aurait tous apprécié de sa part une petite surprise issue de son futur album Rooftop en exclu, mais malheureusement, il faudra attendre patiemment le 29 novembre. Il assure néanmoins : “ça arrive et ça va taper fort“.

© Florent Drillon – Adami

Fêter dignement Les princes de la ville

Des surprises, on en a eu en cette veille du 11 novembre. Vous n’êtes pas sans savoir que cette année 2019 marquait les vingt ans de la sortie des Princes de la ville, le premier album du 113, légendaire groupe de rap de Vitry. Et puisque Rim’K était là, en plus de son tube solo “Bonhomme de Neige”, il se devait forcément de faire honneur à son statut de “Tonton du Bled”.

Le voilà le point culminant de cette édition. En dépit de l’absence sur scène d’AP et Mokobé, Rim’K a été la voix de son trio pour rendre hommage à vingt ans de gloire dans le rap français. “Tonton du Bled” version HHS, un morceau magnifiquement joué par l’orchestre et brillamment recomposé et enrichi par Issam Krimi. Il raconte

© Florent Drillon – Adami

“Depuis les débuts de Hip-Hop Symphonique, j’ai toujours rendu hommage à DJ Mehdi. Cette année, il y avait Rim’K et c’était les vingt ans. Il fallait donc faire quelque chose de grand. Réorchestrer des morceaux qui utilisent déjà des samples d’orchestre et des boucles sont les plus délicats à faire, car ils ne sont pas forcément en accord avec un orchestre. Du coup, j’ai contourné le problème en reprenant le sample que Mehdi a utilisé. Tout en respectant le travail de DJ Mehdi, j’ai voulu aller plus loin et me suis amusé à re-sampler à ma manière ce titre d’Ahmed Wahby. La version était plus longue et avec encore plus de mélodies.

Rim’K n’a d’ailleurs pas caché sa fierté d’avoir vu son morceau phare sublimé ainsi “J’ai 20 ans de carrière, j’ai fait 300 titres et c’était vraiment difficile de n’en choisir que trois. Là où c’était évident, c’est qu’il fallait prendre “Tonton du Bled”. Il fait partie de ce qu’on a fait de plus beau avec le 113. Ce réarrangement était une belle surprise, je suis très content et très fier du résultat”.

Après quoi, ce quatrième Hip-Hop Symphonique s’est conclu sur une performance en duo de Rim’K et Ninho. Réunis sur scène avec l’orchestre Philharmonique de Radio France, il ont magnifié leur hit “Air Max”.

Dernier titre ? Que dis-je ? Lors du traditionnel rappel des artistes, tous les MC sont revenus pour accompagner Vin DZ qui rejouait “Tonton du Bled”. Dans un ultime moment d’émotion et d’unisson, le public, mais aussi tous les musiciens de l’orchestre philharmonique se sont levés pour jouer ce dernier titre. Quelle soirée exceptionnelle ! De quoi rêver encore plus grand pour la prochaine édition.

© Florent Drillon – Adami

La suite pour Hip-Hop Symphonique ?

S’il est évidemment encore trop tôt pour annoncer les noms retenus pour le prochain Hip-Hop Symphonique, Issam s’est montré satisfait du déroulé de ce quatrième concert. “C’est beaucoup de bonheur. Chaque année, on progresse et j’ai le sentiment qu’au bout de quatre ans, plutôt qu’une routine, il se crée au sein des équipes une véritable synergie. Pour la première fois, il y avait un savoir-faire partagé par tous. Je pense que cette quatrième édition sera charnière”.

Toujours plus enjoué et optimiste, il se veut confiant pour la suite des événements. “De mon point de vue, ce qu’on fait n’a rien de surprenant. Il faut continuer et aller plus loin. On ne nage plus à contre-courant et maintenant que Hip-Hop Symphonique est installé, il faut repousser sans cesse les limites. Nous devons donner aux artistes, le droit naturel d’être audacieux et de faire preuve de folie lors de ce rendez-vous”. Des projets plein la tête pour l’année prochaine, il aspire à un monde où hip-hop et musique classique ne font plus qu’un :

© Florent Drillon – Adami

“Je rêve qu’un jour, on arrête de dire que Hip-Hop Symphonique réunit la musique classique et le rap. On fait du hip-hop auquel on donne une dimension symphonique, c’est aussi simple que ça. Pour moi, c’est une musique tellement riche qu’il est normal de l’alimenter avec des musiciens classiques, du jazz ou du gospel.

Le regard tourné vers l’avenir, Issam Krimi a donc choisi avec Hip-Hop Symphonique, de vivre ses rêves plutôt que de rêver sa vie. Et pour ça, le hip-hop peut lui dire merci.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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