Il y a dix ans, le “Man on The Moon” Kid Cudi débarquait sur notre planète

Le 15 septembre 2009, Kid Cudi changeait la face du monde de la musique avec son premier album Man on the Moon.

Depuis toujours, les Hommes rêvent de vivre leur première rencontre avec une forme de vie extraterrestre. Pendant que certains désespèrent encore de ne pas voir ce jour arriver, d’autres ont compris depuis longtemps que la première rencontre du troisième type avait déjà eu lieu. Et ce, il y a dix ans jour pour jour, lorsque l’OVNI Kid Cudi émergea aux yeux du grand public avec son premier album Man on The Moon.

Kanye West seal of quality

La première fois que l’on entend le dénommé Scott Mescudi dans nos oreilles, c’est au refrain de l’impressionniste “Welcome To Heartbreak” de Kanye West. En effet, le natif de Cleveland est à l’époque, la dernière recrue du label G.O.O.D Music, après que Yeezy ait été séduit par sa mixtape A Kid Named Cudi.

Finalement, la filiation entre les deux artistes sonne comme une évidence. On trouve chez eux, les mêmes tares émotionnelles, à savoir la dépression, la bipolarité, une profonde mélancolie et une tendance forte à l’introspection. Musicalement également, leurs influences sont relativement proches : des sonorités atmosphériques oscillant entre hip-hop et electro-pop. Ce n’est pas par hasard si dix ans après leur première rencontre, ils forment ensemble une seule et unique entité, Kids See Ghosts.

Pourtant, en regardant en arrière, tout n’était pas gagné pour Cudder. Son premier single “Day’N’Nite, (et surtout son remix électro signé par les Crookers) a beau inonder les ondes à l’été 2009, il en devient vite insupportable. Un sentiment renforcé par la dégaine de nerd de son interprète, un flow troublant, des lyrics assez pauvres et une voix plutôt monocorde.

Mais la force de Cudi est ailleurs. En effet, il puise son pouvoir d’attraction dans ses ambiances qui ne ressemblent à aucune autre. Un environnement musical onirique et lunaire, sublimé par ses “huuum” venus d’une autre galaxie. Man on The Moon était justement les prémices de son univers si particulier. Cet album nous a transporté dans un monde encore inconnu et inexploré, mais qui n’a laissé personne indifférent.

“Man On The Moon” La bande-son de ta vie

Dès le début du projet, le décor est planté. Sous-titré The End of The Day, Man on The Moon prend la forme d’une tragédie en cinq actes dont le personnage principal n’est autre que Kid Cudi lui-même. Un jeune homme solitaire, triste, névrosé et fou, car torturé par ses démons. Des démons faits d’excès divers, entre femmes, alcool et autres drogues psychédéliques.

Pourtant, malgré son enfermement sur lui-même, (il a perdu son père à l’âge de onze ans), Mr. Solo Dolo se sert de sa musique pour s’exorciser, faire tomber ses masques et parler à cœur ouvert. Tout au long des 19 titres de son disque, il touche par son intense sincérité, et parvient de ce fait, à fédérer les âmes et les cœurs. Au travers des titres comme “Solo Dolo”, “My World”, “Heart of A Lion”, “Sky Might Fall” ou encore “Up, Up & Away”, Cudi nous ouvre les portes de son univers. Un monde façonné de rêves et de cauchemars. Entre déprimes et espoirs d’un avenir meilleur.

Le refrain de Soundtrack To My Life est justement révélateur de cet état d’esprit global, en plus de rester naturellement dans la tête. “I’ve got some issues that nobody can see / And all of these emotions are pouring out of me / I bring ’em to the light for you / It’s only right, this is the soundtrack to my life.” C’est dit : Kid Cudi va raconter sa vie sans artifice et ses tracas du quotidien, donc forcément, les tiens, les miens, les nôtres.

Dans sa vie, ne vous attendez pas à des histoires palpitantes faites de richesse et de démesure, car Cudi le dit lui-même : il a beau avoir 99 problèmes, il n’est pas Jay-Z. Juste un gamin ordinaire, qui cherche à sortir la tête de l’eau grâce à sa vision unique de la musique.

D’ailleurs, il n’est pas non plus un rappeur au sens strict du terme. Sa voix si particulière est à des années-lumières de celle d’un MC traditionnel. Sa patte vocale est peut-être d’ailleurs encore aujourd’hui sa plus grande force musicale. Ses “huuuuuum” sont incontestablement à ranger parmi les sons les plus beaux et les plus apaisants du XXIe siècle. A consommer sans modération.

Kid Cudi, un artiste définitivement à part

Oui, Scott Mescudi est un artiste, un explorateur des émotions, des sens et des sons. Malheureusement pour lui, l’avant-garde perpétuelle dont il fait preuve depuis le début de sa carrière lui vaudra parfois d’être considéré comme un paria au sein de la communauté hip-hop. Un génie pour les uns, une immense escroquerie pour les autres. Déjà à l’époque de son premier album, mais surtout des années plus tard, avec l’opus difficilement perceptible Speedin’ Bullet 2 Heaven.

Mais comme tous les grands artistes incompris, la postérité finira par lui donner raison. Pour Man on The Moon en tout cas. Car si l’on pouvait aisément reprocher à cette album, des productions trop proches les unes des autres, et une touche émotionnelle parfois envahissante, ces éléments ont avec le temps, participé à la création d’une l’identité humaine et artistique attachante, unique à Kid Cudi.

La preuve, depuis la sortie de Indicud, un troisième album expérimental qui venait rompre avec les influences chimériques de ces prédécesseurs, les fans n’ont cessé de réclamer à l’artiste un retour aux sources. Peut-être parce que dans le hip-hop, peu d’albums ont depuis ce premier classique inclassable, fait preuve d’autant d’audace, de sincérité et de créativité.

Aujourd’hui sur la lune, brille certainement encore le visage de Kid Cudi. En ce jour d’anniversaire, l’artiste lèvera sûrement ses yeux vers le ciel. Il se sentira probablement nostalgique, mais après une profonde inspiration, celui qui fut longtemps à la poursuite du bonheur sera heureux de réaliser qu’après dix ans de profonde détresse émotionnelle, il a enfin atteint son but.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

Dans la même rubrique

Recommandé pour toi