Gunna « DS4EVER » : Critique

Le rappeur d’Atlanta Gunna ne veut que vibrer, c’est devenu évident. Avec son dernier album studio DS4EVER, l’aficionado du « drip », âgé de 28 ans complète sa série de mixtapes vénérées avec le quatrième volet. Cette partie quatre englobe l’évolution de Gunna en un maître de la musique trap, et nous rappelle qu’il utilise la musique pour dicter un sentiment.

Gunna, un personnage qui s’est forgé progressivement

Gunna s’est forgé une formidable carrière dans l’industrie musicale, en s’appuyant sur le modèle qu’il a créé avec Young Thug au sein du groupe Young Stoner Life Records. Autrefois personnage secondaire de la scène hip-hop en plein essor d’Atlanta, Gunna est devenu une figure de proue.

Progressivement, il a mis sa personne sous les feux de la rampe en élargissant sa garde-robe pour devenir une icône du style (qui a déjà attiré l’attention de Rihanna). Dans sa musique, Gunna rimait sur des rythmes innovants comme l’un des personnages de rap les plus essentiels d’aujourd’hui.

Il donne l’impression que tout ce qu’il fait est facile et sans effort, ce qui s’explique en partie par ses choix de production toujours épurés et satisfaisants sur le plan sonore. Beaucoup ont essayé de recréer son son, mais sans succès. Connaissez-vous beaucoup d’artistes sur la planète qui peuvent rapper presque exclusivement sur les vêtements de marque et les voyages somptueux, tout en gardant l’attention d’un public qui ne partage pas sa tranche d’imposition ?

Gunna crée une ambiance neutre sur son troisième album studio, « DS4EVER »

S’il ne secoue pas le monde avec des paroles qui poussent à la réflexion, Gunna crée plutôt une sorte de paysage sonore neutre avec DS4EVER qui capture simplement un sentiment de plaisir et de fantaisie. Les paroles excentriques d’invités comme Young Thug (« I n*tted all over her face and now, she look like a cow », par exemple) injectent des moments d’excentricité et d’humour, tandis que la production reste un point central.

Utilisant les mêmes producteurs qui ont façonné le son de Wunna : Taurus, Wheezy, et d’autres, DS4EVER ne s’éloigne pas trop de ce que Gunna avait déjà établi à ce stade de sa carrière. La liste des morceaux souffre légèrement du fait qu’il n’y a pas assez de moments vraiment mémorables ou hypnotiques.

Le disque manque d’excitation et l’auditeur finit par s’ennuyer à la longue. De plus, certaines chansons, notamment « alotta cake », ressemblent de près à la structure squelettique d’autres chansons de l’ancien catalogue de Gunna, comme « Cooler Than A B*tch ». De son côté, cette dernière ressemble presque à une continuation de la première, sans Roddy Ricch.

D’autres morceaux sont adaptés à l’accalmie d’une boîte de nuit avant minuit, reprenant des thèmes prosaïques (drogue, fête, etc.) que l’on retrouve tout au long de la carrière du rappeur. Il faut l’admettre, DS4EVER est monotone et à court de bizarrerie, trop sage. Toutefois, de nombreuses performances sont à souligner.

Gunna « DS4EVER » : les points forts de l’album

Malgré l’absence d’une croissance artistique claire, il y a quelques moments exceptionnels qui pousseront l’auditeur à revenir à « DS4EVER ». « South to west » est l’un des morceaux solo les plus excitants de l’album, ressemblant aux mélodies trap dégringolantes que Gunna a explorées à l’époque de « Drip Season 3 », pensez à « Oh Okay ».

Le rappeur est également très personnel sur des chansons comme « livin wild » (« Je viens de quitter l’hôpital, je pourrais avoir besoin d’une autre défaillance du foie ou du rein, je vous le dis, cette merde ne pourrait pas être plus réelle »). Il l’est également sur « life of sin » (« Je sais que rien n’est éternel, mais je veux que ce soit éternel »), et sur « die alone », dans laquelle il chante qu’il ne veut pas finir seul.

L’album est accompagné de couplets passionnants de la part de 21 Savage qui continue à mettre le feu à tout ce qu’il touche et semble avoir causé plus de remous en ligne que Gunna lui-même.

« DS4EVER » : un peu de déjà vu

Sur « Drip Season 4 », nous avons également des passages d’invités comme Kodak Black, Young Thug, Future, Lil Baby, etc. Néanmoins, à part l’inclusion de la voix de Chlöe sur « You & me », nous avons déjà entendu beaucoup de ces mêmes collaborations, du moins sur le papier. Chlöe est la seule chanteuse de la tracklist de l’album, poursuivant une tendance troublante dans la musique trap où les hommes du genre semblent ne pas beaucoup interagir avec les femmes.

Le monde a entendu tellement de chansons de Gunna avec Lil Baby, Young Thug et Future que, pour le prochain album, on apprécierait une plus grande variété en ce qui concerne les chanteurs. Ce serait également un signe de croissance pour Gunna, qui semble vouloir ouvrir un nouveau chapitre pour lui-même après Drip Season.

Gunna, nous voulons de la différence à l’avenir

Sans prendre de risques significatifs avec son son, Gunna a réussi à créer un album tranquillement divertissant, avec plusieurs chansons qui grandiront sur l’auditeur après la première écoute.

Si la qualité est celle que nous attendons de Gunna, c’est peut-être de cette même qualité que nous nous lassons. Il est donc peut-être temps pour Gunna d’explorer de nouvelles frontières sonores et de pousser ses propres mélodies encore plus loin s’il veut continuer à évoluer en tant qu’artiste. C’est ce qu’attendent de lui ses auditeurs désormais.