Suite et fin de notre dossier sur les meilleures introductions du rap français des années 2010. Une décennie bien plus équilibrée et hétérogène que la précédente.
Au sein de la décennie 2010, l’année 2015 fait clairement office de date pivot. Effectivement, seules trois introductions d’avant 2015 font partie de notre sélection des meilleures de la décennie 2010. Ici, nous avons souhaité être le plus exhaustif possible. Ainsi, un seul titre maximum par artiste peut être sélectionné, au grand dam de SCH.
Despo Rutti – “Quitte ou double”
Avec l’introduction de Convictions Suicidaires, Despo Rutti ouvre un album aussi traumatisant pour lui que pour l’auditeur. Il évoque dans celui-ci, trois thèmes qui lui sont chers avec noirceur : la France, le racisme et la religion.
De cet album, Despo ne se relèvera jamais vraiment, et a malheureusement développé quelques troubles psychologiques. En dépit de cela, il aura marqué l’année 2010 avec son flow haché et ses phases brutales, notamment sur l’introduction du projet : « Tends pas ta joue ici on te la caresse / Puis on y écrase une cigarette ».
Orelsan – “Raelsan”
Le looseur provincial prend une autre dimension en 2011 avec Le Chant des Sirènes. Toujours épaulé par un Skread plus inspiré que jamais, il signe avec « Raelsan » la matrice du projet Le chant des sirènes. Entre rébellion, discours politique, relations amoureuses et egotrip, il devient le rappeur de toute une génération. Le Caennais vêtu d’un masque, parasite alors la France sur tous les écrans et lève un verre à la mort de l’industrie.
Kaaris – “Introduction Or Noir Part.2”
L’intro de Or Noir Part.2 de Kaaris est sans conteste l’une des introductions les plus marquantes des années 2010. Ce couplet unique est sans aucun doute celui qui représente le mieux le rappeur de Sevran. Produit forcément par Therapy, le morceau est une avalanche de punchlines d’un Kaaris au sommet.
Mi-homme, mi-animal, Kaaris s’accapare à merveille la drill de Chicago. « J’rap comme à Chicago, t’as le flow d’Patrick Juvet / Ramène-moi ta go, j’lui crache sur son duvet ».
Nekfeu – Martin Eden
Si Orelsan est devenu un rappeur générationnel, que dire de Nekfeu ? Symbole d’une exposition plus grande du rap français avec 1995, il vient tirer la couverture sur lui avec Feu. Sur une production de Hugz Hefner, Nekfeu se rêve en héros éponyme du roman de Jack London. Le rappeur multi-syllabique offre avec « Martin Eden », un titre d’une spontanéité qu’il perdra par la suite.
PNL – “Le monde ou rien”
Introduction et morceau du groupe de la décennie, « Le monde ou rien » est à lui seul l’hymne du rap français des années 2010. Le duo des Tarterêts a révolutionné le genre et est le point central du renouveau du rap français. Une domination caractérisée par leurs onomatopées, un vocabulaire singulier et une mélancolie des cages d’escalier.
Ce qui fait la force de PNL, c’est aussi l’usage de l’autotune comme un instrument de musique, créant de nouvelles textures et émotions. Une sophistication synthétique encore jamais vue dans le rap français. Depuis, les ienclis, les cafards, toute la France est QLF.
SCH – “John Lennon”
Comme dit plus haut, choisir une intro de SCH au cours des années 2010 est un choix cornélien. En effet, véritables marques de fabrique du marseillais, ses introductions giflent l’auditeur à coup d’images qui impactent la rétine.
Pour son premier projet A7, certifié classique, le S use de son écriture brillante dès la première phase : « Pour un secret, faut être deux / Pour faire un te-trai j’peux être seul ». Souvent mésestimée, la plume d’Aubagne est peut-être la meilleure de la décennie.
Booba – “Walabok”
Après l’échec de D.U.C, B2O se devait de frapper fort avec l’introduction de Nero Nemesis. Produit par ZewOne, “Walabok” vient introniser Booba en Attila et permet d’amplifier sa mythologie : « J’suis Attila le Hun, ta mère la Wisigoth ». Challengé par la nouvelle génération qui lui souffle dans la nuque, il revient en maître des lieux et signe son meilleur album depuis Lunatic.
Isha – “La vie augmente”
Anciennement Psmaker, Isha a décidé de clôturer la décennie en apaisant nos cœurs. Au cours de sa trilogie des LVA, il dépeint un OG d’une sensibilité renversante. L’augmentation est vitale, comme en témoigne l’introduction du premier opus. Une sorte d’autopsie dans laquelle le rappeur belge mêle phases troublantes et résurgences de sa jeunesse. Un rap organique, où Isha fait défiler un pan de son existence :
« Quand j’pleure, j’ai l’nez qui coule et c’est ma meuf qui sèche mes larmes
Elle a les pouces en essuie-glace, rien qu’elle m’fait des bisous
À dix-huit, j’perds mon père, a-t-il atteint le nirvana ?
Prêt pour un sommeil éternel, Papa est mort en pyjama ».
Alpha Wann – “Le piège”
« Tu l’appelles mère patrie, je l’appelle dame nation (PULL UP) ». En cette fin d’année 2018, Alpha Wann offre enfin un album à la hauteur de sa technique. Après des projets de groupe qu’il qualifiera de médiocres, Don Dada n’a plus l’âge de réclamer, mais d’obtenir. Grâce à son talent, son art est érigé au rang de science, en témoigne l’intro d’UMLA.
Produite par Hologram Lo‘, cette introduction fait partie des meilleures de la décennie 2010 grâce à son langage crypté, sa précision chirurgicale et ses double-sens.
Freeze Corleone – “Introduction Projet Blue Beam”
Décidément, la fin d’année 2018 fut marquée par le triomphe des techniciens. Freeze Corleone, le plus talentueux de l’ékip du 667 en a profité pour éclore au grand public. Avec Projet Blue Beam, il hisse le complotisme et les acronymes au sommet du rap français. Si Migos a popularisé le triple flow, Chen Zen lui, étire au maximum son principe de triple phase. Comprenez une série de phases se terminant par le même mot, mais qui change de sens à chaque fois.
Ce titre clôture ainsi notre dossier des meilleures introductions de la décennie 2010 où l’on observe Freeze revenir d’entres les morts, pour nous hanter à coup de prophéties et de machinations. D’ailleurs, que devient le maire d’Angers ?